Vers une Production autonome : quand le SRE rencontre l'AIOps

L’IA transforme la production IT en collaboration hybride. Une conférence de l'Alenia Production Tour.

ALENIA PRODUCTION TOUR
SRE
AI OPS
Par
Alenia
le
25/9/2025
Souveraineté numérique, une conférence d'Alain Garnier à l'Alenia Production Tour 2025

(Une conférence de Kaouther Karoui, Data Architect. Vous pouvez regarder l'intégralité de la conférence sur Youtube ou lire le résumé ci-dessous).

Chaos, SRE & Platform Engineering : quand l’IA s’invite dans la production

Vous souvenez-vous de la dernière fois où un incident de production a fait dérailler votre journée — ou votre nuit ? Serveur en panne, chaîne de données bloquée, firewall capricieux… Pendant que les équipes s’arrachent les cheveux, le business attend, l’utilisateur s’impatiente et la direction veut une explication immédiate. Bonne nouvelle : une nouvelle génération de “coéquipiers digitaux” arrive, infatigables, disponibles 24/7, capables d’apprendre de chaque erreur. Mais comment passer du chaos à l’ingénierie de plateforme augmentée par l’IA sans tomber dans le mythe du “tout automatique” ?

Bienvenue dans le terrain de jeu du chaos engineering, de l’AIOps et du platform engineering, thèmes phares du dernier Alenia Production Tour.

1. Le constat : une production sous pression permanente

Les grandes organisations — banques, assurances, industriels, retailers — naviguent dans des environnements IT tentaculaires. Legacy et cloud natif cohabitent, ERP mastodontes croisent microservices agiles, et tout ce petit monde doit tourner sans interruption.

Les enjeux sont clairs :

  • Accélérer la détection et la résolution d’incidents : chaque minute compte, chaque panne coûte.
  • Réduire le “toil” : ces tâches manuelles, répétitives, à faible valeur ajoutée qui usent les ingénieurs.
  • Garantir résilience et fiabilité à l’échelle : pas seulement pour une application critique, mais pour un portefeuille qui couvre des dizaines de métiers.
  • Décider vite, décider juste : chaque clic en production est un risque de plus.
  • Ne jamais échouer deux fois de la même façon : ou, pour citer Netflix, “Never fail the same way twice”.

Derrière ces enjeux techniques se cachent aussi des réalités humaines : la fatigue des équipes, la peur de l’erreur, la difficulté à se projeter dans un futur où l’IA s’invite de plus en plus dans les métiers d’exploitation.

2. Analyse : entre chaos et promesse de l’autonomie

2.1. Les cinq niveaux d’automatisation

L’IT production évolue par paliers :

  1. Manuel – L’ère du “DBA + commandes bash” : efficace mais fragile.
  2. Scripts – Les PowerShell et cronjobs qui soulagent mais restent ponctuels.
  3. Règles – Avec Terraform, Ansible, Infrastructure-as-Code : on rationalise, on versionne, on teste.
  4. Intelligent automation – On ajoute l’observabilité, le machine learning, la prédiction d’anomalies.
  5. Autonomie complète – L’équivalent de la voiture autonome : encore un rêve (et peut-être un cauchemar).

La plupart des organisations oscillent entre les niveaux 2 et 3, quelques pionniers touchent du doigt le 4. Le 5 reste hors de portée, faute de données fiables (bonjour la CMDB incomplète) et de maturité culturelle.

2.2. Chaos engineering : tester pour mieux dormir

Né chez Netflix, le chaos monkey a marqué les esprits : débrancher volontairement des serveurs en production pour tester la résilience. Mais dans une banque ou un hôpital, le “tout casser pour voir” reste un fantasme dangereux.

D’où l’idée de la simulation virtuelle : répliquer son SI, injecter des pannes, mesurer les réactions… et identifier les points de rupture avant qu’ils ne surviennent. Une assurance-vie pour les DSI qui redoutent le “syndrome du domino” : une petite panne locale qui dégénère en crise systémique.

2.3. AIOps : l’espoir d’une production augmentée

L’AIOps, c’est l’IA au service des Ops :

  • Chatbots intelligents capables de lire l’écran d’un utilisateur bloqué et de l’accompagner pas à pas.
  • Auto-réparation d’incidents complexes, où la cause racine est diffuse (un problème réseau déguisé en panne applicative, par exemple).
  • Analyse des changements : détecter en temps réel qu’une modification de firewall a bloqué un flux critique.
  • Rapports de santé intelligents : donner une vision claire d’un cluster distribué sans obliger l’équipe à fouiller des dizaines de dashboards.

L’idée n’est pas de remplacer les SRE (Site Reliability Engineers) mais de les augmenter. Comme un copilote numérique, l’IA agrège signaux faibles, historique d’incidents, documentation, et propose des pistes de résolution.

3. Les enjeux par angle d’analyse

3.1. Économique : coût du chaos vs investissement IA

Chaque minute d’indisponibilité coûte des milliers (voire millions) d’euros, sans compter la réputation. L’automatisation intelligente promet de réduire drastiquement ces pertes.

Mais l’investissement est lourd : collecter et fiabiliser la donnée, former les équipes, acheter ou développer des outils. Le ROI ne vient pas du jour au lendemain : il se mesure en incidents évités, en productivité retrouvée, en sérénité gagnée.

3.2. Juridique & réglementaire : l’IA sous contrôle

Dans des secteurs régulés, pas question de laisser un agent IA “bidouiller” un pare-feu sans garde-fous. D’où l’importance des circuit breakers : mécanismes de coupure qui stoppent l’agent s’il sort de son périmètre.

Transparence et traçabilité deviennent clés : pouvoir expliquer qui a fait quoi, quand, et pourquoi. Sans cette auditabilité, impossible d’être conforme — ni de bâtir la confiance des métiers.

3.3. Technologique : la bataille des données

Le nerf de la guerre, c’est la donnée :

  • CMDB complète et fiable (sinon, l’IA déduit plus qu’elle ne sait).
  • Logs et métriques structurés, normalisés, gouvernés.
  • RAG (Retrieval Augmented Generation) pour que l’IA accède à la documentation interne et externe.

Sans ces fondations, l’AIOps reste un château de cartes.

3.4. Organisationnel : du top-down au bottom-up

Deux approches se complètent :

  • Top-down : le management fixe la vision, finance, donne du temps pour apprendre.
  • Bottom-up : les SRE savent où l’automatisation est la plus utile, avec quel risque, et apportent des cas d’usage concrets.

Les hackathons internes apparaissent comme un bon compromis : en quelques jours, aligner vision stratégique et savoir-faire terrain.

3.5. Culturel et humain : la peur du remplacement

La résistance au changement est forte : “L’IA va-t-elle prendre mon job ?”. La clé est de positionner l’IA comme un collègue, pas comme un remplaçant.

  • On “onboarde” un agent IA comme un nouveau membre de l’équipe : rôle clair, périmètre limité, montée en compétence progressive.
  • On instaure un climat de co-évaluation : le matin, humains et agents passent en revue les erreurs de chacun, dans les deux sens.
  • On forme des leaders bilingues : capables de comprendre les émotions humaines tout en parlant le langage des machines.

C’est une transformation identitaire autant que technologique.

4. Solutions : comment avancer concrètement

4.1. Construire la confiance par étapes

Un agent IA ne doit pas être lâché en production comme un stagiaire livré à lui-même. La recette :

  1. Observation seule – L’IA observe, corrèle, apprend.
  2. Suggestions – Elle propose des actions, validées par un humain.
  3. Actions limitées – Petites interventions dans un périmètre réduit.
  4. Responsabilisation progressive – Comme un SRE confirmé, l’IA gagne en autonomie avec le temps.

4.2. Mettre des garde-fous

  • Prompts clairs et précis pour limiter les dérives.
  • Circuit breakers pour bloquer des comportements imprévus.
  • Sandbox pour tester sans risque.
  • Monitoring permanent pour ajuster.

4.3. Outiller le terrain

Les fondamentaux à poser :

  • Un accès fiable à un LLM interne ou externe.
  • Une brique RAG pour connecter docs, logs, historiques d’incidents.
  • Une gouvernance des logs et métriques.
  • Des workflows documentés (qui deviendront les scripts d’entraînement des agents).

4.4. Préparer les équipes

  • Communiquer clairement les rôles futurs.
  • Former sur les capacités et limites de l’IA.
  • Valoriser l’initiative, la créativité, l’expérimentation.

Parce qu’une production sans expérimentation, c’est une production figée. Et une production figée… finit toujours par casser.

5. Ouverture : vers des équipes hybrides, humaines et digitales

Nous sommes probablement la dernière génération à travailler dans des équipes 100 % humaines en production. Bientôt, les équipes seront hybrides : humains + agents IA, chacun avec ses forces et ses limites.

Cela pose une question passionnante : quelle culture allons-nous créer dans ces équipes mixtes ?
Une culture de défiance (“l’IA va nous remplacer”) ou une culture de collaboration (“l’IA nous libère de la charge inutile”) ?

Le chaos engineering nous apprend une leçon : il vaut mieux casser volontairement et apprendre que subir passivement la panne. Alors pourquoi ne pas appliquer cette logique à l’IA en production ? Expérimentons, testons, échouons vite et apprenons.

Parce que demain, le chaos sera toujours là. Mais nous aurons peut-être appris à en faire un allié.

Pour conclure

Passer du chaos à l’ingénierie de plateforme augmentée n’est pas un sprint mais une transformation profonde. Elle demande de la donnée fiable, des garde-fous, une gouvernance éclairée… mais surtout une nouvelle façon de penser le travail en production.

L’IA ne sera jamais le pompier parfait. Mais elle peut devenir ce collègue infatigable qui nous aide à tenir la garde de nuit sans perdre notre humanité.

À nous de décider si nous voulons la subir, ou l’inviter dans notre équipe.

Souveraineté numérique, une conférence d'Alain Garnier à l'Alenia Production Tour 2025

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